Jérémy Ferrari-Charleville-Mézières

Un jour, un Lidl a ouvert en face de la supérette que tenaient les parents de Jérémy Larzillière, à Charleville-Mézières, dans le quartier défavorisé de Manchester.
“Alors le magasin familial a fermé, et la maison, qui était hypothéquée, a été saisie.” Quand il a eu de l’argent, la première chose qu’il a faite, c’est d’acheter une maison à ses parents. Mais avant, le jeune homme connaît une adolescence traversée par la souffrance psychologique et la colère : celle des injustices sociales, qui s’apprêtaient à nourrir sa plume. Même pas majeur, il monte à Paris pour intégrer le cours Florent. Dans ses jeunes années sur les planches, il incarnera Arthur Rimbaud, l’autre Ardennais, mais il sera surtout agent de sécu, groom, vendeur de chemises et prof de ju-jitsu pour survivre. Il a opté pour l’humour, mais galère à se faire un nom. “Je m’apprêtais à rejoindre le Mexique pour devenir rabatteur de touristes occidentaux dans une boîte de nuit.” Mais il a tenté sa chance dans On n’demande qu’à en rire, sur France 2. La suite est presque simple.
J’ai une revanche à prendre sur la vie.
De sa ville qui toise la Wallonie, celui qui a pris le nom de sa mère et s’appelle désormais Jérémy Ferrari a gardé l’esprit de fulgurance et l’humour de ses grands-parents belges. C’est là aussi qu’il a goûté à l’ennui, au désœuvrement, à la peur de manquer et puis à l’alcool, qui a longtemps rythmé son existence. À 40 ans, le natif de Villers-Semeuse, en périphérie de la cité ardennaise, est l’un des humoristes les plus bankables de France. “J’ai une revanche à prendre sur la vie.” confesse-t-il.

Aujourd’hui, il a une trentaine d’employé·es, dans plusieurs sociétés, qui lui permettent notamment de se produire, lui et une dizaine d’autres artistes. 300 000 c’est le nombre de spectateurs qu’attirent en moyenne les spectacles de Jeremy Ferrari. 250 000 spectateurs pour Hallelujah Bordel ! en 700 représentations (2008-14), 300 000 pour les deux suivants Vends 2 pièces à Beyrouth (2016-18) et Anesthésie générale (2019-25).
Avec toujours, des prémonitions frappantes, sur les religions dans son premier spectacle, les attentats dans le deuxième, et le système de santé juste avant le Covid dans le dernier. Impossible de ne pas penser que la rigueur qu’il applique désormais lui vient du judo, qu’il pratiquait dans sa ville d’enfance, sur le conseil de son père. Souvent, on qualifie son humour de « noir ». “Mais c’est juste l’humour de la vraie vie” selon le principal intéressé, qui le tient sa mère. En fait, c’est l’humour de Charleville-Mézières.